Une plus longue distance


Avant de s'en remettre à la rigueur géométrique, c'est le temps de déplacement des corps qui évaluait les distances. Telle ville à trois jours d'ici, telle autre à dix. Le corps aussi indéterminable qu'universel, faisait valeur.

S'imposa ensuite le système métrique basé sur une mesure du méridien, mais là encore la géométrie a longtemps eu besoin de l'arpentage minutieux des corps pour représenter le territoire. Chaque trait de ces cartes anciennes est le témoin d'une présence des géographes sur les lieux. Et plus tard, leur tracé à la main venait sceller une autre manifestation physique de l'espace vécu.

Aujourd'hui les calculs étendent le domaine de l'abstraction et les corps dans tout ce qu'ils ont d'inquantifiables disparaissent. Nos vies se fondent en calculs et redeviennent abstraction.

En longue résidence au cœur de Paris, c'est depuis le corps que j'ai appréhendé son espace. Une longue déambulation, qui pas à pas, a redessiné la ville et réunit ses corps. Une plus longue distance pour approcher une plus vaste réalité.

Dans l'espace urbain, nos corps répondent à la densité, aux accélérations, aux suspensions du pouls d'un géant. Ils interagissent en permanence et s'adaptent. Gestes inouïs, captés par la photographie.

Une photo à chaque pas, à la vitesse de la marche, et c'est de nouveau le corps qui prend les mesures. 

Cette déambulation composée de plus de 10 000 photos dresse un portrait inédit de la cité par ses corps. Quand sur ses murs, par surimpression le plan gravé sur cuivre de Roussel, géographe, ingénieur en chef de Louis XIV, fait entrer en résonance un autre rapport au temps et à l'espace.

Les sons, témoin privilégié de l'espace, accordent une voix aux corps qui surgissent et passent pendant la déambulation. Et la ville par vagues sonores successives retrouve son épaisseur.

Autrefois, aujourd'hui, nos corps, notre mesure.


Over a longer distance


Before relying on geometric rigor, the travelling time of bodies used to evaluate distances. Such a city was three days away, such another was ten away. The body, as well indeterminable as universal, made use of value.

Then the metric system based on a measurement of the meridian was imposed, but here again geometry has for long needed the careful surveying of bodies to depict the territory. Each line of these old maps bears witness to the presence of geographers on the sites. And later, these hand tracing lines sealed another physical manifestation of the space as a body experience.

Today, calculations extend the domain of abstraction and bodies in all their unquantifiable aspects are disappearing. Our lives dissolve into calculations and turn back into abstractions.

During a long residence in the heart of Paris, it was from the body that I went through its space. A long stroll, which step by step, redesigned the city and brought together all its bodies. A longer distance to approach a larger reality.

In the urban space, our bodies respond to the density, to the accelerations and suspensions of the pulse of a giant. They constantly interact and adapt. Astonishing gestures, captured by photography.

A photo at each step, at the speed of walking, and the body takes over the measurements.

This stroll made up of more than 10,000 photos draws a unique portrait of the city through its bodies. When over its walls, by superimposing the map engraved on copper by Roussel, geographer, chief engineer of Louis XIV, another relationship to time and space resonates.

Sounds, as privileged witness to space, give a voice to the bodies that emerge and pass during the stroll. As well the city, through successive waves of sound, regains its thickness.

Formerly, today, our bodies, our measure.

Projection d'une boucle de 3h05 réalisée à partir de 10683 photographies prises à chaque pas, de la rue de l'Hôtel de Ville de Paris vers le nord-est, la périphérie, la proximité des gares, les grands boulevards, un parc, un pont, la rive gauche, ses îles.

Sur l'espace de la carte gravée de Roussel de 1731, chaque photographie révèle un quartier, un espace oublié de la carte, un corps qui passe. Et le plan ancien répond à la photographie.

Autour, les sons de chaque espace traversé, leur densité, des voix qui surgissent et semblent nous interpeller.

Installation multimédia réalisée avec Michel Serre, Ingrid Keusemann et Pascal Avazeri, durant une résidence de 12 mois à la Cité internationale des arts de Paris.

Screening of a 3h05 loop made out of 10,683 photographs taken at each step, starting from the rue de l'Hôtel de Ville in Paris towards the north-east, the outskirts, the proximity of train stations, the main boulevards, a park, a bridge, the left bank, its islands.

On the space of Roussel's engraved map of 1731, each photograph reveals a neighborhood, a forgotten space on the map, a passing body. And the old plan responds to the photography.

All around, the sounds of each space crossed, their density, some voices arise and seem to regard us.

A multimedia installation created with Michel Serre, Ingrid Keusemann and Pascal Avazeri, while a 12-month residency at the Cité internationale des arts de Paris.


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